Est-il possible d’écrire un roman policier à partir d’un film ?
Les films sont souvent issus de romans. Mais comment faire l’inverse, à savoir transposer des plans et des scènes, déjà tournés, vers un roman ?
Il était une fois, un court métrage gore et humoristique…
À l’origine, cette histoire fut destinée à être racontée sur un écran, par la réalisation d’un court métrage au style plutôt gore et humoristique. Il me manquait quelques plans à tourner, quand l’idée d’en faire un roman policier me vint à l’esprit, car je trouvais intéressant de développer certains sujets. Or, dans un court métrage, le temps est compté…
Mais dans ce cas, il était opportun de ne pas diffuser ce film court métrage. En effet, même quelques mois après sa diffusion, la chute de l’histoire aurait été déjà dévoilée. Le comble pour un polar ! Le montage du court métrage fut donc stoppé.
Alors pourquoi un roman plutôt qu’un film long métrage ?
Le temps était également compté pour l’édition de cette histoire, puisque l’un des sujets rendait hommage à une œuvre cinématographique d’anticipation datée de 1973. Le but était donc de l’éditer avant la fin de 2023, histoire de fêter son cinquantenaire. L’écriture d’un roman est plus rapide que la réalisation d’un film long métrage.
Les règles sont-elles les mêmes que celles de la réalisation d’un film ?
Cet exercice comporte les mêmes principes cités dans deux tutos édités sut le site filmsvideos.fr dédié aux fiches techniques pour la réalisation d’un film :
Raconter une histoire de manière logique.
Créer une ambiance.
Concernant le premier point, il est indispensable que le déroulé de l’histoire soit logique :
il ne faut pas qu’il y ait, par exemple, une erreur dans les détails d’une scène, une chronicité illogique des événements, des éléments qui viennent perturber la chute de l’intrigue (ce qui serait un comble pour un polar !…), etc.
Et il faut surtout établir un questionnement chez le public afin de le capter.
Parallèlement à cette approche rationnelle de l’histoire, il est judicieux de créer une ambiance. Et dans le roman, il s’agit de la décrire uniquement par l’écriture, car il n’y a pas de musique, on ne voit pas les personnages, on ne peut pas agir sur la colorimétrie, ni les bruitages, etc. Il n’y a guère que le rythme dans l’écriture qui peut ressembler à celui d’un film.
Les plus simple est de regarder chaque plan, et de le décrire. Mais attention, comme précisé dans la fiche technique sur comment créer une ambiance, la difficulté est de toucher l’âme de celui à qui on raconte l’histoire. Concrètement, il faut là aussi créer du sentiment en décrivant l’ambiance visuelle et sonore du film par l’écriture.
Alors comment transposer des plans et des scènes vers une écriture romancée ?
Ce que l’on voit à l’écran doit être écrit, avec plus ou moins de détails. Mais également ce que l’on ne voit pas, c’est à dire ce que l’on ressent : les sentiments d’un protagoniste, la tension d’une scène de duel, la quiétude d’un endroit, etc.
Dans cet ouvrage “LES DISPARUS DE LA MONTAGNE NOIRE”, le début de l’écriture du roman commence au moment de la dernière disparition. Car un court métrage, par définition, est court… Il en découle que la partie du roman qui correspond au film, se situe majoritairement dans la deuxième moitié.
Toute la première moitié est issue de l’écriture romancée et non pas de la transposition du film vers le roman. Il s’agit des disparitions avec le volet enquête.
Cependant, la déformation professionnelle n’est pas loin, car instinctivement, les descriptions des différentes scènes ressemblent à des plans filmés :
Un exemple avec le début du chapitre 3 :
« CHAPITRE 3 – L’ENQUÊTE :
Les gendarmes se rendaient chez la femme du conducteur évaporé.
Le couple habitait cette maison en pleine campagne, et en même temps, non loin de la ville. Elle était bâtie en pierres, laissant trahir le grand âge de celle-ci. »
Cette description fait partie du déroulé logique de la narration : il n’y a pas d’ambiance. Uniquement le fait que les gendarmes arrivent à la maison de la femme du premier disparu afin de mener leur enquête.
Pour créer une ambiance dans un film, il faut rajouter des plans d’introduction façon “entonnoir” (du plus grand au plus petit ou inversement du plus petit au plus grand pour découvrir la scène), un rythme, des mouvements de caméras, voire des suivis.
Comme me le disait le réalisateur qui m’a tout apprit : “il faut que la caméra soit là où le spectateur ne s’y attend pas.”
Le début du troisième chapitre fut donc modifié avec des “plans” d’introduction à la scène :
« CHAPITRE 3 – L’ENQUÊTE :
À chaque cycle réalisé par la roue, le pneumatique se déformait au moment de passer au contact de l’asphalte, qui elle-même défilait à vive allure sous la gomme. Les détails de chaque structure en mouvement étaient devenus invisibles à cause de la vitesse. Seules les orientations de ce train avant étaient perceptibles en fonction des virages qui apparaissaient régulièrement. La déformation du pneu était également latérale lors des courbes un peu plus serrées.
En remontant légèrement depuis le bas de caisse on pouvait apercevoir la couleur bleue caractéristique de la gendarmerie. Les reflets de la route fusaient comme des étoiles filantes le long de la carrosserie parfaitement lustrée. Vue d’en haut, c’était un tout-terrain qui suivait le tracé sinueux de la route départementale. Celle-ci longeait la Montagne Noire, pour rejoindre la ville de Castres. Mais au moment de passer dans le dernier village avant la sous-préfecture, le véhicule tourna à un rond point afin de se diriger vers une maison située sur les premières pentes de la commune, qui jouxtait le flanc de la montagne. Les gendarmes se rendaient chez la femme du conducteur évaporé.
Le couple habitait cette maison en pleine campagne, et en même temps, non loin de la ville. Elle était bâtie en pierres, laissant trahir le grand âge de celle-ci. »
L’écriture correspond à des plans que j’ai imaginé avec ma culture cinématographique. Il s’agit d’une caméra qui suit la voiture : d’abord au niveau du bas des pneus, puis, elle remonte le long de la caisse du véhicule afin de dévoiler ce dernier grâce à un zoom arrière, jusqu’à surplomber la scène entière et découvrir le paysage dans lequel circulent les gendarmes.
Étoffer le récit :
Après la transposition du film vers une écriture romancée, il fallait étoffer le récit du roman policier. Et plus exactement, comme dans toute histoire, créer une intrigue.
L’écriture de la première moitié du livre put commencer en rajoutant toute la partie enquête. Et au fil du temps, deux chapitres furent rajoutés à la fin, de manière à rendre hommage à une œuvre d’anticipation de la fin des années soixante. Puis, un film réalisé au début des années soixante-dix en fut l’illustration.
D’ailleurs, cette histoire de disparitions pourrait tout à fait précéder chronologiquement cette œuvre visionnaire. Dans l’avant dernier chapitre, certains indices vous permettront de découvrir de quelle œuvre il s’agit…
Alors, bonne lecture !… »